Tempête
et autres
événements climatiques
|
7.1 La mise en place de la garantie légale « tempêtes » ♦ La garantie tempête avant la loi du 25 juin 1990 La garantie tempêtes et grêle sur les toitures a commencé à être souscrite dans les années 50. Au début de la décennie 80, elle était largement répandue dans les contrats Risques Simples et relativement peu dans les contrats Risques Industriels. Cependant, elle comportait certaines restrictions se concrétisant par diverses exclusions: – limitations contractuelles d’indemnités (fixées à 630 fois l’indice FFB par bâtiment en ce qui concerne les Risques Simples), – franchises (20 % avec un minimum de dix fois l’indice FFB et un maximum de cinquante fois l’indice en Risques Simples, 10 % avec un minimum de 152 € éventuellement indexé en Risques Industriels). Dans tous les cas, l’indemnité, limitée aux seuls dommages matériels, était calculée en valeur vétusté déduite, avec un coefficient d’abattement aggravé lorsque celle-ci excédait un seuil de 40 %. La création du régime des catastrophes naturelles en 1982 a entraîné une ambiguïté en matière de tempête. En effet, ce n’est pas tant la nature d’un événement que son intensité anormale qui entraîne la constatation de l’état de catastrophe naturelle. De fait, certaines tempêtes avaient fait l’objet d’arrêtés de catastrophes naturelles alors même que la plupart des contrats d’assurance incendie incluaient la garantie des tempêtes. En effet, après la tempête de 1982 (indemnisée pour 260 millions € au titre des garanties contractuelles et pour 180 millions € au titre des catastrophes naturelles), allait survenir, de façon récurrente, une série d’événements, de plus ou moins grande ampleur, provoquant l’adoption d’arrêtés toujours exceptionnels. Mais le système ne sera remis en cause que quelques années plus tard, à la suite des dommages causés par les cyclones ayant frappés les DOM. ♦ La Genèse et le contenu de la loi du 25 juin 1990 En janvier 1989, le cyclone FIRINGA touchait La Réunion. Son coût a été de l’ordre de 38 millions € pour les particuliers et les entreprises, mais les indemnités versées par les assureurs furent limitées en raison du faible taux de couverture. A la suite de ce cyclone, diverses demandes d’extension de la loi de 1982 furent effectuées par les élus locaux. En particulier deux propositions de loi furent déposées devant le Parlement. C’est alors que survint, en septembre 1989, le cyclone Hugo frappant la Guadeloupe et causant des dommages indemnisés au titre des garanties contractuelles pour environ 260 millions €. Ce deuxième cyclone provoqua à son tour le dépôt de nouvelles propositions de loi visant encore, sous des formes différentes, à l’extension de la loi de 1982 aux départements d’Outre-mer. L’extension pure et simple de la loi n’était pas sans problème. D’abord, comme en 1982, une fraction non négligeable de la population restait non assurée en multirisque, et par conséquent, l’extension de la loi n’apportait aucune solution. En outre, les propositions visant à l’extension de la loi supposaient implicitement que celle-ci jouerait systématiquement pour les effets du vent ; c’était donc faire entrer à coup sûr les tempêtes dans le champ d’application de la loi de 1982, mais de manière encore plus évidente que par le passé. Les assureurs ne pouvaient être que réticents à l’idée qui sous-tendait ces propositions, puisqu’elle pouvait, à terme, conduire à l’abandon des garanties contractuelles des tempêtes en métropole. Mais une autre raison motivait leur réticence. Avec un taux de prime additionnelle identique à celui de la métropole, l’apport de prime des départements d’Outre-mer devait être de l’ordre de 10 millions €. Or on pouvait escompter que, compte tenu de la fréquence des cyclones sur les trois îles, les indemnités atteindraient, en moyenne annuelle, 75 à 152 millions €. D’où un déséquilibre évident, encore aggravé par la potentialité du risque sismique et volcanique. Certes, le système catastrophes naturelles, avec un encaissement de l’ordre de 610 millions €, permettait de faire face à ces sinistres. Mais seule une dizaine de sociétés opéraient de manière significative dans les départements d’Outre-mer. Pour réassurer ces sociétés, dont les résultats sur les départements d’Outre-mer ne pouvaient être que très largement déficitaires, la CCR aurait dû exiger un aliment. Pour cela, elle pouvait leur imposer un taux de cession différent, pour la métropole et les départements d’Outre-mer, ce qui équivalait à imposer un fort taux de cession sur la métropole, d’où un éventuel retrait des départements d’Outre-mer. L’autre solution était l’acceptation de taux de cession différents pour la métropole et les départements d’Outre-mer, mais en relevant le taux minimum de cession de 45 % pour l’ensemble du marché. Ceci pouvait conduire certaines cédantes à se détourner de la CCR. Dans toutes les éventualités, l’équilibre des opérations risquait de n’être plus assuré. C’était donc la loi de 1982 qui était menacée, en dépit de ses évidents mérites. Les prémisses du texte finalement adopté furent tout d’abord de ne pas déséquilibrer à l’excès le régime des catastrophes naturelles, ensuite d’essayer de lever l’ambiguïté entre tempêtes et catastrophes naturelles, tout en permettant pour les départements d’Outre-mer une couverture des cyclones. Il s’articulait en deux parties : – la première greffait sur tous les contrats incendie, pertes d'exploitation après incendie, et dommages d'incendie aux véhicules automobiles, une garantie contre les effets du vent dus aux tempêtes, ouragans et cyclones, que les biens objets du contrat soient situés en métropole ou dans les départements d’Outre-mer ; – la deuxième partie étendait le régime des catastrophes naturelles aux départements d’Outre-mer. ♦ Le contenu de la loi La loi n’apportait que deux précisions au texte initial : L’application au 1er août, assortie d’une proposition suivant laquelle, si les contrats ne comportaient aucune clause relative à la garantie Tempêtes avant cette date, celle-ci était acquise aux conditions de la garantie Incendie ; une extension de son domaine d’application aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. La loi du 25 juin 1990 présentait des avantages certains. Elle clarifiait, sans le résoudre totalement, le problème de l’ambiguïté tempêtes/catastrophes naturelles. Elle laissait les tempêtes dans le champ des garanties contractuelles, ce qui en autorisait une approche technique. Enfin, elle permettait une couverture généralisée des tempêtes, non seulement en France métropolitaine mais dans les départements d’Outre-mer. Cependant, elle comportait aussi quelques inconvénients. Tout d’abord, elle ne réglait pas dans les départements d’Outre-mer le problème des non assurés en incendie, ceux-ci pouvant cependant continuer à être indemnisés par le Fonds de secours aux victimes de sinistres et calamités. Ensuite, sa date d’application, trop proche de l’adoption du texte, ne laissait que peu de temps aux assureurs pour s’organiser. Enfin, les cyclones s’accompagnant de précipitations abondantes, provoquant des dommages de ruissellement et des inondations, il y avait lieu de procéder à une double indemnisation des victimes, au titre des garanties contractuelles, pour les dommages dus au vent, et au titre de la garantie catastrophe naturelle, pour des dommages dus à l’eau. Les sociétés s’employèrent donc à proposer des garanties à leurs assurés, en définissant soigneusement ce qu’elles comptaient couvrir et ce qu’elles comptaient exclure au titre des tempêtes. Pour les départements d’Outre-mer, elles s’attachèrent tout particulièrement à limiter les chevauchements possibles entre dommages dus à l’eau et dommages dus au vent. ♦ L’articulation tempêtes/catastrophes naturelles – Loi du 16 juillet 1992 La loi du 25 juin 1990, sans le dire expressément, laissait à supposer, comme on l’a vu ci-dessus, que les tempêtes ne pourraient plus faire l’objet d’arrêtés catastrophes naturelles. Cependant, un arrêt du Conseil d’Etat du 15 février 1991 venait annuler une décision du ministre de l’Intérieur rejetant une demande du maire de Dijon tendant à ce que l’état de catastrophe naturelle, constaté par un arrêté interministériel, soit étendu aux dommages causés par la tempête et la grêle. Faute de précision contraire, le maire de Dijon avait eu raison de demander l’extension de l’arrêté cat.nat. à ces types de dommages. Il devenait donc indispensable d’inscrire dans la loi que celle-ci ne pouvait s’appliquer aux tempêtes. La loi du 16 juillet 1992, portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en matière d’assurance et de crédit, est venue apporter la réponse attendue en indiquant que les dommages matériels directs visés par la loi de 1982 étaient les dommages « non assurables ». En outre, et pour lever toute ambiguïté, l’exposé des motifs du projet de loi précise que, parmi les dommages assurables, figurent ceux causés par les effets du vent dus aux tempêtes, ouragans et cyclones, ainsi que les dommages dus au gel, à la grêle et au poids de la neige, qui peuvent être aisément souscrits. Ce qui implique qu’est considéré comme « non assurable » ce qui ne peut être aisément souscrit. Nous sommes alors bien dans le champ d’application de la loi sur les catastrophes naturelles. C’est donc à partir de cette nouvelle loi que sont clarifiés les domaines respectifs du régime légal des catastrophes naturelles et des garanties contractuelles. ♦ Impact de la loi d’orientation pour l’outre-mer (art. L. 122-7 du Code des assurances) La loi n° 2000-1207 d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 (art. 13) étend l’obligation de garantie des « tempêtes » à l’ensemble des contrats garantissant des dommages aux biens, et plus seulement les dommages d’incendie. Par ailleurs, elle précise que ne relèvent pas de la garantie tempêtes mais de la garantie des catastrophes naturelles, les événements cycloniques pour lesquels la vitesse du vent a dépassé les 145 Km/h en moyenne sur dix minutes ou 215 Km/h en rafales. 7.2 La garantie Tempêtes, Grêle, Neige et autres événements L’extension légale de garantie, prévue par la loi du 25 juin 1990, ne concerne, théoriquement, que l’événement tempête. Cependant « depuis toujours » les assureurs couvrent au titre de cette garantie les dommages causés par le choc de la grêle sur les toitures ainsi que ceux causés par le poids de la neige et de la glace sur les toitures et leur glissement. 7.2.1 Les dommages couverts La garantie « Tempêtes, Grêle, Neige » (TGN) prend en charge les dommages causés par : – l’action du vent ou d’un objet projeté par le vent, – le choc de la grêle sur les toitures, – le poids de la glace ou de la neige accumulée sur les toitures, – la mouille due à la pluie ou à la neige, la grêle pénétrant à l’intérieur des bâtiments lorsque ces derniers ont été détruits par une tempête, la grêle ou le poids de la neige, sous réserve que ces dommages de mouille aient pris naissance dans les 48 heures suivant le moment de la survenance des dommages matériels aux bâtiments. Ce délai doit permettre à l’assuré de prendre les mesures conservatoires nécessaires, notamment le bâchage ou la couverture provisoire des bâtiments endommagés. Les assureurs considèrent que, pour être qualifiée de « tempête », le vent doit avoir causé des dommages à des bâtiments de bonne construction dans la commune du risque sinistré ou dans les communes avoisinantes ou dans un certain rayon. Dans le cas où cette condition ne serait pas remplie, certains assureurs prévoient de demander à la station météorologique nationale la plus proche un certificat attestant l’intensité exceptionnelle de l’événement (vitesse du vent supérieure à 100 Km/h). Il est important de noter que la tendance actuelle du marché est d’étendre la garantie TGN aux dommages causés par le choc de la grêle sur l’ensemble du bâtiment (et pas seulement sur les toitures) et de couvrir les dommages occasionnés par d’autres événements tels que les coulées de boues, les glissements et affaissements de terrains ainsi que les avalanches ne faisant pas l’objet d’arrêté cat-nat. 7.2.2 Les exclusions La loi du 25 juin 1990 n’interdit pas à l’assureur d’exclure de sa garantie certains bâtiments, éléments de bâtiment ou biens qui ne présenteraient pas une résistance suffisante à un vent violent, ces biens seraient-ils par ailleurs assurés contre l’incendie. De ce fait, les assureurs prévoyaient des exclusions spécifiques (différentes des exclusions générales ou spécifiques à la garantie incendie), concernant certains biens, selon un critère de vulnérabilité de ces biens aux effets du vent. Sur la validité de ces exclusions, la jurisprudence a varié dans le temps du tout au tout : – Ainsi, un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 24 juin 2003 relatif à l'assurance tempête prévoyait que les biens, dès lors qu'ils sont assurés au titre de la garantie incendie, le sont obligatoirement au titre de la garantie tempêtes. Cet arrêt aboutissait à remettre en cause la validité de l'exclusion de la garantie « tempêtes » des biens qui présentent une vulnérabilité aux effets du vent, dès lors que ces biens sont couverts contre l’incendie. – Mais un arrêt de la même juridiction du 4 novembre 2004 est venu confirmer l’interprétation des assureurs, estimant que si les contrats garantissant le risque incendie ouvrent droit à la garantie « tempêtes » sur les biens faisant l'objet de ces contrats, « l'étendue de cette garantie peut être librement fixée par les parties et n'est égale à celle du risque d'incendie que si elles n'en sont autrement convenues ». La jurisprudence actuelle revient donc à la liberté contractuelle pour fixer l’étendue de la garantie tempête, aussi bien en matière d’exclusions que de franchises et de plafonds (voir infra § 7.2.3). La garantie « tempête » étant par défaut alignée sur la garantie incendie, en l’absence de précision. Néanmoins, le retour d’expérience des tempêtes de décembre 1999 avait conduit la profession à faire plusieurs recommandations* afin de combler certaines lacunes mises en évidence par ces événements. * Circulaire DABR n° 65/2000. Ainsi, il était demandé aux assureurs de proposer de manière plus systématique des garanties déjà existantes (assurances des dépendances, des arbres, abris de jardin…) et d’étendre la couverture TGN à certains biens faisant l’objet d’exclusion (assurance des clôtures non végétales, assurance des parties immobilières vulnérables au vent en valeur d’usage…). 7.2.3 Les limitations et franchises Sauf stipulation contraire, la garantie TGN couvre les dommages matériels directs assurables dans les limites et conditions fixées par le contrat lors de la première manifestation du risque. Cela signifie que les sinistres sont réglés sur la base de la garantie principale du contrat, c’est-à-dire l’assurance incendie en général. Cependant elle comporte une franchise spécifique qui est inférieure, ou tout au plus, égale à la franchise légale catastrophes naturelles. Cette position* de la profession concernant la franchise tempête qui a été prise lors de l’assemblée générale du 27 juin 2000 permet d’améliorer la lisibilité par les assurés particuliers de leur couverture « événements naturels ». L’assuré garde, bien entendu, toute liberté pour contracter avec une franchise tempête d’un montant supérieur. * Circulaire DABR n° 82/2000. Avant la décision du 4 novembre 2004 qui permet des exclusions spécifiques, la cour de cassation avait déjà admis, par la décision rendue le 13 janvier 2004, que la garantie « tempêtes » fasse l’objet de conditions spécifiques (plafond, franchise, mode d'indemnisation) éventuellement différentes de celles prévues en matière d’incendie, donnant ainsi une réponse favorable aux assureurs concernant ce problème. En résumé, il faut considérer que, en l’absence de précisions relatives à la garantie « tempêtes », celle-ci est acquise exactement dans les mêmes conditions que la garantie incendie (exclusions, plafond, franchise), mais qu’il est toujours possible, contractuellement : – de prévoir des exclusions spécifiques (pour cause de vulnérabilité au vent par exemple), – de différencier le mode d’indemnisation d’un bien garanti, de prévoir une franchise différente ou de limiter le plafond de garantie.
|